vendredi 17 août 2007

LE DÉPART (NOUVEAU, REVU ET RALLONGÉ) en 2012










3 avril ... Samedi de Pâques;





Lorsqu'on arrive d'une autre province, l'affluence, le soir, à l'église paroissiale de Saint-Palais, pour la célébration du Vendredi-Saint, peut surprendre. Les fidèles sont arrivés à pied, en deux processions qui suivaient les porteurs de croix. Dans la nef où ils sont rangés maintenant, il y a suffisamment de monde pour remplir tous les bancs, ou peu s'en faut. Il n'y a pas que des femmes, il n'y a pas que des vieux. Les litanies sont ponctuées par tous, les chants sont entonnés par tous et non pas chantonnés. Trois officiants concélèbrent, revêtus de la chasuble et de l'étole. Certains observateurs pourraient se croire revenus soixante ans en arrière, si ce n'est au temps de Flaubert ... Mais personne ne semble emprunté, empesé. Hommes et femmes, chacun semble parfaitement à l'aise dans son costume et dans ses gestes. On chante en Basque et en Français. On défile dans l'allée centrale, comme au temps de mon enfance, pour baiser le crucifix qu'un prêtre présente. Tous défileront à nouveau pour recevoir la communion, tous ou presque tous.



Quatre pèlerins de Compostelle sont assis dans la travée de gauche, reconnaissables à leurs chaussures de marche. On est habitué à en voir passer. Ils ne sont pas l'objet d'une attention particulière. Demain matin, très tôt, on les verra partir sur la route de Gibraltar, en direction d'Ostabat et de Saint-Jean-Pied-de-Port. On dissertera sur le volume et le poids supposés de leurs sacs à dos ... Mais on en discutera peu : Pour les Basques, les pèlerins ne sont pas des "animaux extraordinaires" ... C'est qu'il en est passé, des pèlerins ... depuis plus de mille ans !



Saint-Palais, en Basque, s'appelle Donapaleu ... C'est écrit sur tous les panneaux de signalisation routière. Du reste, sur les panneaux, tous les noms sont donnés dans les deux langues, en Français et en Basque. Même lorsqu'il s'agit d'indiquer le chemin qui conduit au marché ou à la Recette Principale du Trésor Public.








Saint-Palais est l'ancienne capitale de la Basse-Navarre, petite ville dépourvue de charme particulier, ) l'inverse de Sauveterre-en-Béarn, aperçue en venant de Dax. A Saint-Palais, la rue du Palais de Justice, seule, abrite quelques façades, offrant à vrai-dire assez peu d'intérêt malgré les plaques gravées rappelant leur passé. Quatre médaillons de pierre dont les deux du centre représentent, l'un le roi Henri IV, l'autre Jeanne d'Albret. Le Centre Social est installé dans une ancienne église, qui fut temple protestant ...



Mais j'en reviens aux Basques. Quelques uns portent encore le béret, même s'ils ne sont plus en majorité. On les retrouve certains soirs au trinquet. Ils s'y rendent pour assister à la partie de pelote à mains nues. Vastes poitrines, bras impressionnants, cous de taureaux, reins puissants. Ils parlent leur langue, dont les sonorités sont belles. Lorsqu'ils s'adressent à vous en Français, leur accent très spécifiquement chantant peut vous contraindre à l'attention. Nul doute : façon d'être, façon de parler, croyances, centres d'intérêts, comportements ... Ces gens là sont Basques et fiers de l'être. Cela fait plaisir.



Mais je m'interrogeais sur ces nationalismes renaissants, qu'ils soient basque, provençal ou breton ... N'y a-t-il pas là quelque chose qui ressemblerait au désir d'un ressourcement, d'un nouveau baptême ? Le monde apparaît si laid depuis le milieu de ce siècle, si menaçant depuis quelques années, si lourd à supporter ... Poids des péchés, ruptures pénibles, revirements, renoncements, abandons, génocides, lâchetés ...












C'est à la Nation que l'on impute la responsabilité du péché. La Nation, c'est la France, et c'est la France qui a conduit les guerres, mené les expéditions ...C'est elle qui est responsable des lois qui peuvent sembler insuffisantes ou injustes. C'est elle qui a défini les objectifs. C'est la Nation qui prétend juger ... C'est forcément la Nation qui est l'oppresseur. Le réveil des Basques, des Provençaux et des Bretons n'est-il pas une manière de s'affirmer parmi les Justes ?

_" Ce n'est pas mon peuple qui a décidé. Mon peuple ne porte pas le poids du péché."


Autre façon de rechercher une virginité perdue ? Désir profond d'une église-des-Justes, portant robe de lin ?






*






Veillée de Pâques à l'église paroissiale de Saint-Palais ... Me serais-je tenu éloigné pendant si longtemps ? Ici, les églises se remplissent pour les offices. Il semblait que chez nous, elles ne le faisaient plus que pour les enterrements. Chez nous, on accompagne encore ses morts, mais on ne partage plus guère avec les vivants.








Au Pays-Basque, les hommes sont encore là, et les femmes, et les enfants. Bénédiction ... Cierges ... Enfants de choeur ... Chants ... Prières ... Communion. Il y a six concélébrants mais un seul est jeune. C'est lui qui officie. La veillée s'achève à minuit. Le lendemain matin, dès sept heures, l'église du couvent des Franciscains sera pleine encore et, à neuf heures, puis à onze heures, l'église paroissiale s'emplira de nouveau. Presque tous les fidèles iront communier.
















Prairies rases ventées. Aux creux des ravins, plaques de neige. Pluie froide. Tapis glissant de feuilles de hêtre, mortes. Puis nous entrons dans l'abbaye. Elle conserve le souvenir de Charlemagne. Toits pentus et murs austères. Portes et voûtes imposantes ...



En Haute-Navarre, après Roncevaux, les étables nombreuses dégorgent le purin. Il est tôt encore dans la saison : Les bêtes ne sont pas dehors. Ruisseaux à truites, crocus et violettes ... Chemins de mules, boueux et raides...






_"A Pampelune ... Sept kilomètres derrière la lune," disait ma mère lorsque, enfant, je lui demandais où elle allait et qu'elle ne voulait pas me répondre.


Remparts, citadelle à la Vauban. Cathédrale. Gisants des Rois de Navarre. Réfectoire et cuisine gothiques. Statues de bois polychromes. Ruines romaines. Ville vieille et ville neuve. Bars. Bruits nocturnes. Passé la ville, les troupeaux de moutons roulent aux versants des collines, roulent comme la grave. grands moulins d'acier aux longues pales. Blés qui ondulent, argentés dans les cuvettes larges. Illustres blasons qui ont figuré sur des bannières aux quatre coins du monde. Il ornent encore les façades d'ocre rouge. Nids d'aigles surgissant dans la lumière. Antiques remparts et ponts fortifiés. Cités désertes au petit matin. Rues montantes pavées. Trop d'or dans les églises alors que les ajoncs explosent dans tout le pays. Terrasses. Chaussée romaine. Ponts antiques. Les oliviers millénaires poussent dans la pierraille.


















*































*
Car là-bas, l'eau est plus claire que la fontaine la plus pure ...


(J.M.G. Le Clézio ... Le Chercheur d'Or. )

1 commentaire:

amrootha a dit…

My cousin recommended this blog and she was totally right keep up the fantastic work!



Tapis De Soie